Interview Anaïs Vachez “Avec ADA on a mis la barre encore plus haut !”
Il y a quelques années, nous avons interviewé Anaïs Vachez après avoir travaillé sur Le Petit Monstre. Aujourd’hui, nous renouvelons l’expérience pour parler de son court-métrage ADA. L’histoire prend place dans un climat familiale tendue, où ADA, peine à trouver sa place entre ses parents qui ne s’entendent plus.
Bonjour Anaïs, merci de te prêter au jeu une seconde fois et de nous accorder cette interview. Pour commencer, pourrais-tu te présenter pour les personnes qui ne te connaissent pas et comment vas-tu depuis Le Petit Monstre ?
Bonjour, je suis ravie de vous retrouver et de répondre à cette nouvelle interview !
Je m’appelle Anaïs Vachez, je suis scénariste, réalisatrice et autrice de livres jeunesse. J’ai commencé à réaliser des courts-métrages très vite après mon BTS audiovisuel, le premier date de 2006 (c’était donc il y a trrèèèsss longtemps !). Depuis j’ai réalisé 6 courts-métrages, 5 contes animés, j’ai écrit une bande dessinée, plusieurs livres jeunesse et une quarantaine de contes.
J’aime raconter des histoires sur différents formats, toujours dans un univers à la fois enfantin, poétique et assez sombre.
Depuis Le Petit Monstre, qui a été diffusé en 2018 sur Francetv Slash, je vais très bien ! J’ai réalisé un nouveau court-métrage, ADA, qui est disponible depuis mars 2024 sur OCS et Mycanal et j’ai écrit 4 livres aux éditions Casterman Jeunesse.
Nous te retrouvons aujourd’hui aux commandes d’un nouveau projet, ADA. Peux-tu nous en dire plus ? Quelles étaient tes envies derrière cette histoire ?
ADA est un court-métrage fantastique de 17 minutes, produit par Bonne Pioche Cinéma. Il raconte le quotidien d’une petite fille de 9 ans (Ada), qui assiste chaque jour aux tensions entre ses parents et qui doit y faire face lorsque ceux-ci deviennent plus que monstrueux…
Avec ce film, j’avais envie de montrer le point de vue d’une enfant et son ressenti lorsqu’elle assiste aux disputes de ses parents. Lorsque j’étais petite, j’ai assisté à beaucoup de disputes entre adultes, avec toujours le sentiment étrange d’être transparente. Ce court-métrage met les enfants au centre de la famille et montre leur courage. Le fantastique m’a permis de décupler leurs sensations pour toucher au plus profond les spectateurs.
Dans notre précédente interview, tu nous as confié que Le Petit Monstre était le projet le plus ambitieux de ta carrière. Qu’en penses-tu aujourd’hui pour rapport à ADA?
Avec ADA on a mis la barre encore plus haut ! Que ce soit au niveau des effets spéciaux, avec cette fois de la motion capture, mais aussi au niveau de la décoration. Toute la maison a été entièrement redécorée par Alexia Merré et son équipe. Ils ont fait un travail colossal ! On a dû tourner de jour les scènes qui se passent de nuit dans le film, car on ne pouvait pas tourner de nuit avec une enfant. L’équipe lumière et machinerie ont donc borgnolé toute la maison, c’est-à-dire qu’ils ont fait des sas avec des tissus noirs sur toutes les fenêtres pour pouvoir faire un effet nuit. Le mixage fait par Dinosaures Studio a été également très poussé, on a pu enregistrer les bruitages en studio et le sound design des Monstres a été créé par Benoît Déchaut. On a aussi mis le niveau plus haut pour la musique, composée par Jimmy Tillier, car elle a été enregistrée en studio avec de vrais musiciens grâce à une aide de la SACEM. C’est donc à présent ADA, le projet le plus ambitieux de ma carrière !
Tu es également autrice de livres jeunesse disponibles en librairies et de contes « pour enfants » et « pas pour enfants » que nous pouvons retrouver sur ton site Les Contes de Nina. Est-ce qu’ADA était une fiction que tu avais d’abord écrite comme un conte avant de lui donner vie devant une caméra ?
J’ai écrit une quarantaine de contes avant d’être publiée chez Delcourt puis Casterman Jeunesse. Tous ces contes sont disponibles sur mon site **Les Contes de Nina.** J’en ai adapté certains en contes animés et un en fiction (La Fille Accordéon).
ADA n’est pas adapté d’un de mes contes. C’est une histoire originale. Fin 2020 j’ai pitché l’idée à Jean-Baptiste Guittard, producteur chez Bonne Pioche Cinéma, et il a beaucoup aimé. On est parti en développement assez rapidement et une fois qu’OCS a pré-acheté le film, ça nous a aidés à avoir d’autres aides, notamment celles du CNC.
Comment s’est passée cette nouvelle collaboration avec le studio ? Quelle était l’importance des VFX dans cette production ?
La collaboration s’est aussi bien passée que sur Le Petit Monstre, c’est toujours un grand plaisir de travailler avec vous !
Sur ce projet les VFX étaient capitaux. C’est-à-dire que s’ils avaient été ratés tout le projet en aurait pâti et les spectateurs ne seraient pas rentrés dans le film. L’un des plus beaux compliments qu’on nous fait régulièrement sur le film, c’est quand les spectateurs demandent après la projection si les Monstres ont été faits en réel sur le tournage ou en effets spéciaux en post-production. Ça signifie qu’ils ne voient pas que les Monstres sont en 3D ! On ne pouvait espérer de meilleurs retours !
Quel a été le plus gros challenge pour toi sur cette production ? Avais-tu déjà une idée du physique des monstres durant l’écriture du scénario ?
Les 3 plus gros challenges sur ce film ont été : les effets spéciaux, la décoration et tourner avec une petite fille de 9ans, qui devait jouer face à des monstres qu’elle devait imaginer sur le tournage. Ça faisait beaucoup de challenge pour un court-métrage !
Pendant l’écriture, j’avais une vision assez floue des Monstres. Je les imaginais immenses, noirs, poilus, aux dents et griffes acérées, une sorte d’ours à la tête de loup. J’ai d’abord donné des images références à Guillaume Berthoumieu, concept artist, pour qu’il puisse créer une illustration clef du film (keyframe) et qu’on définisse l’apparence des Monstres. Une fois cette image clef réalisée vous avez pu vous baser dessus pour créer les Créatures. Vous avez conçu un nouveau design plus cohérent par rapport au squelette et à la morphologie des Montres, pour qu’ils puissent s’animer en 3D et marcher. Le design des Monstres a évolué et s’est affiné à chaque étape, en fonction des contraintes de chacun, pour donner le rendu final.
Comment se passe la préparation d’un film quand des éléments aussi importants que les monstres sont en VFX ? Est-ce que ce n’était pas trop difficile d’imaginer les monstres ?
Sur ce projet on a eu la chance d’avoir l’aide CVS du CNC, qui nous a permis d’avoir un budget pour travailler sur les VFX plusieurs mois avant le tournage. Il y a eu tout d’abord la phase du design des Monstres, puis leur création en 3D. Nous avons également fait des tests de motion capture sur le décor avant le tournage. Pour tester les tenues de motion capture sur les comédiens et faire des tests d’intégration des Monstres dans le décor.
Le jour du tournage, nous avions les visuels définitifs des Monstres, nous savions donc clairement à quoi ils ressemblaient. Ce qui nous a aidés à les imaginer sur le tournage, c’est que les comédiens en motion capture avaient chacun une tête de Monstre imprimée en 3D (aux dimensions exactes des Monstres), et nous avions aussi des gabarits en cartons découpés aux dimensions des Créatures. Cela nous permettait de caler les cadres, la lumière et les mouvements des Monstres. Et ça a aussi beaucoup aidé Alizée Caugnies (qui jouait Ada) à imaginer les Monstres sur le plateau.
Est-ce que la grande quantité de VFX sur le tournage a été pénalisante en termes de temps et de fluidité ? (prise de ref lumières, motion capture, etc.)
Pas du tout. Comme on a pu faire des tests de motion capture avant le tournage, les bugs qu’on avait eus en prépa ont été réglés en amont. Et sur le tournage tout a été très fluide. Les plans VFX ne nous ont pas pris plus de temps que prévu. Les seuls plans un peu compliqués étaient ceux sur lesquels il y avait Ada au premier plan et les Monstres au second plan. Mais c’était prévisible.
Comment avez-vous (toi et l’équipe) préparé les VFX en amont du tournage ? Est-ce qu’une alternative aux VFX avait été envisagée ?
Il y a eu une vraie collaboration entre les chefs de postes pour élaborer les VFX en amont du tournage et pour que tout se passe bien sur le tournage. Les chefs opérateur.ices Anne Charlotte Henry et Arthur Bourdaud ont demandé à ce qu’il y ait des tests VFX en motion capture sur le décor avant le tournage pour faire des tests de lumière et d’optique sur les comédiens en motion capture. Pour voir ensuite comment rendrait leur lumière sur les Monstres 3D.
C’est aussi eux qui ont demandé à ce que l’on ait des gabarits des monstres en carton en taille réelle sur le tournage pour caler leur cadre lorsqu’on n’avait pas les comédiens sur le plateau. C’est l’équipe déco qui a fabriqué les gabarits.
Mathilde Marillier, mon assistante mise en scène, m’a vivement conseillé de prendre un régleur cascades pour le combat des Monstres dans la cuisine. Nous avons donc fait appel à Jérémy Sénelier pour régler les cascades et faire répéter Pierre Rochefort et Fabien Houssaye, pour le combat, mais aussi pour leurs déplacements lorsque les monstres marchaient. Pour que leur démarche fasse le plus animal possible et que l’équipe VFX puisse ensuite utiliser ces données.
Lorsque je vous ai contacté pour les VFX, j’avais en tête de mélanger effets spéciaux numériques et vrais monstres sur le plateau, avec des comédiens dans des costumes. Mais comme on a eu l’aide CVS du CNC qui est faite pour les effets spéciaux numériques, on a décidé de faire uniquement les Monstres en 3D. Sur un court-métrage il faut choisir ses techniques. Ça aurait coûté plus cher, au final, d’utiliser 2 techniques différentes. Et vu le résultat d’ADA, les VFX numériques étaient vraiment le bon choix à faire.
Pour toi, quels ont été les avantages et les inconvénients de travailler avec des VFX par rapport à des méthodes plus traditionnelles de tournage ?
Les VFX demandent plus de travail et de préparation en amont du tournage, sur le tournage et en post-production forcément. Mais quel plaisir de créer des Monstres tous ensemble puis de les voir prendre vie sur grand écran ! Même si c’est compliqué, c’est passionnant, il y a un côté un peu magique !
Y a-t-il eu des moments où l’équipe et toi, vous avez été surpris par les résultats des effets spéciaux ?
Oui lorsque j’ai vu le rendu final d’un des premiers plans VFX des Monstres avec leurs poils (car avant je voyais des animatiques avec les monstres sans poils). Un des premiers plans que j’ai vu est celui de la patte qui se pose sur la marche de l’escalier. La patte et les poils étaient si réalistes, j’étais bluffée ! Je me suis dit : « C’est bon, ça fonctionne ! Les spectateurs vont y croire ! ».
Merci infiniment d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Toute l’équipe du studio a adoré travailler sur ce projet et te remercie pour ta confiance. Nous espérons qu’Ada obtiendra le succès qu’il mérite !
Merci ! Un immense merci à vous aussi pour votre professionnalisme et votre travail incroyable sur ce projet !
À ce jour, ADA a déjà une très belle vie en festivals, il a fait l’ouverture du Pifff en 2023. Depuis 2024 il a été projeté en compétition européenne au Bifff (Belgique) et a gagné plusieurs prix en festivals, dont le prix des meilleurs effets spéciaux au Budapest Film Awards, le prix du Jury au Fantasy Film Festival (Paris), le prix de l’excellence au Sci-Fi Horror & Action Film Festival (États-Unis) et le prix du meilleur film d’horreur au Festival International d’Avignon. On espère qu’il y en aura d’autres !