Anaïs Vachez : « Le Petit Monstre est le projet le plus ambitieux de ma carrière »

Créer un court-métrage, c’est toujours un énorme défi personnel. C’est d’autant plus vrai lorsque le personnage principal est complètement composé en 3D.

C’est le défi que s’est lancée Anaïs Vachez, scénariste et réalisatrice du nouveau court-métrage Le Petit Monstre. L’histoire prend place dans un univers profond et singulier mettant en scène un coup de foudre entre Léo et Emmy. Une idylle s’offre à eux, mais c’est sans compter sur une petite boule de poils attachante mais néanmoins mystérieuse…

Anaïs Vachez et Le Petit Monstre
Crédits : Studio 4/Anaïs Vachez – Crédits photo : Solène Ballesta

À la charge des effets spéciaux, nous avons pensé que vous aimeriez en apprendre plus sur la réalisation du projet ! C’est pourquoi nous nous sommes entretenus avec Anaïs pour une interview complète. L’occasion de revenir sur l’envie d’Anaïs derrière Le Petit Monstre, ses craintes, ses peurs, mais aussi ses succès et ses attentes pour la suite de son aventure !

Attention, les mots qui suivent comportent quelques spoilers. Pour éviter d’endommager votre expérience, prenez quelques minutes et installez-vous confortablement pour découvrir cette magnifique histoire que vous offre Anaïs. Retrouvez le court-métrage juste ici.

 

Bonne lecture à tous !

Bonjour Anaïs, pour débuter cette interview, peux-tu te présenter rapidement pour les personnes qui ne te connaissent pas ? Explique-nous ce que tu fais dans la vie, quel est ton parcours mais aussi ton quotidien ?

Je m’appelle Anaïs Vachez, je suis réalisatrice et scénariste de courts-métrages et auteure illustratrice de contes à la fois sombres et enfantins. Tous mes projets sont regroupés sur mon site Les Contes de Nina. Je suis aussi scénariste de la Bande Dessinée Les Petites Cartes Secrètes illustrée par Cyrielle et éditée par Delcourt dans la collection Une Case En Moins dirigée par Davy Mourier et Marion Amirganian qui est sortie il y a 1 mois (05/09/2018, ndlr).

Concernant mon parcours, après le Bac j’ai fait un BTS Audiovisuel au Lycée Jacques Prévert de 2003 à 2005 dans lequel j’ai rencontré des personnes avec qui je travaille encore aujourd’hui : François Descraques, Slimane-Baptiste Berhoun et Jimmy Tillier (le compositeur de mes films). J’ai ensuite fait une Licence de Cinéma à La Sorbonne Nouvelle (Paris 3) qui m’a permis de réaliser mes premiers courts-métrages car la fac subventionnait les projets audiovisuels. Ensuite, j’ai travaillé sur beaucoup de tournages comme 1ère et seconde Assistante Réalisatrice. En 2009 quand François Descraques a créé Frenchnerd, un collectif d’auteurs, réalisateurs et comédiens, j’ai naturellement travaillé sur tous les projets du groupe, et notamment sur Le Visiteur du Futur.

Dans mon quotidien, je suis, soit en écriture, soit en tournage, soit en post-production, car c’est moi qui monte mes films.

En ce moment j’assure la promotion des Petites Cartes Secrètes en faisant des dédicaces en libraires ou en conventions. Et je vais sortir prochainement sur ma chaine Youtube une série de mini documentaires sur les coulisses de cette Bande Dessinée.

À côté de tout ça, je continue d’être Assistante Réalisatrice, sur les projets de Frenchnerd, Frenchball mais aussi sur d’autres séries tel que Dark Stories, que je prépare actuellement, qui est une anthologie de courts-métrages d’horreur réalisés par François Descraques et Guillaume Lubrano.

 

Comment as-tu eu l’idée de créer le court-métrage Le Petit Monstre ? Quelle était ton envie derrière cette histoire ?

L’idée de base était celle d’une jeune femme vivant avec un Monstre. Cette image ne m’est pas venue de n’importe où, elle vient du Voyage de Chihiro. J’avais vu ce film lors de sa sortie en 2002, et depuis, cette image de petite fille aux côtés d’un monstre immense est toujours restée en moi. Bien sûr, même si je m’en suis inspirée pour mon film, mon histoire n’est pas là même et aborde d’autres thématiques liées à une rencontre amoureuse.

Au-delà du simple coup de foudre, je voulais montrer la suite d’un relation amoureuse : après le coup de foudre, que reste-t-il quand on apprend à connaître vraiment quelqu’un ? Quels sont les compromis qu’on est prêt à faire ou non pour l’autre ?

Emmy et Léo dans Le Petit Monstre
L’histoire s’attache aux questions les plus importantes d’une rencontre amoureuse. Crédits : Studio 4/Anaïs Vachez

Le Petit Monstre représente quelque chose de significatif pour ta carrière de réalisatrice ? Y’a-t-il pour toi un avant/après Le Petit Monstre ?

Ce court-métrage est dans la lignée de ce que ce que je faisais déjà, mais c’est sûr que c’est le projet le plus ambitieux de ma carrière notamment en termes d’effets spéciaux. Je ne sais pas s’il y aura un avant/après dans ma vie professionnelle, mais en tout cas, pour moi personnellement oui, car j’ai énormément appris sur ce projet.

Par le passé, j’ai réalisé 2 métrages avec des effets spéciaux, Il était une fois… et La Fille Accordéon, mais ils n’étaient pas si ambitieux et si compliqués. D’ailleurs, je crois qu’il n’y a pas plus compliqué que de faire un monstre en 3D avec des poils. Je laisse Atalow confirmer [rires].

Cette histoire à la fois mignonne et monstrueuse est ancrée dans l’univers de mes contes, Les Contes de Nina. Ce court-métrage représente beaucoup pour moi et j’espère que grâce à lui, les gens verront mieux ce que je suis capable de faire en tant que réalisatrice. Ils pourront plus facilement avoir confiance en moi et me confier des projets plus ambitieux.

Dans ce film, j’ai pu peaufiner mon univers jusque dans les moindres détails. J’ai eu les moyens de m’exprimer, que ce soit dans la décoration, les costumes, l’image, le son, les effets spéciaux… J’ai pu vraiment faire tout ce que j’avais en tête. Maintenant je peux dire « Voilà, ça c’est ce que je veux faire, c’est l’univers que je veux développer, si vous voulez travailler avec moi, c’est ce que je fais ».

Emmy et Léo avec le Petit Monstre devant la télé

Depuis quand travailles-tu sur le projet exactement ?

J’avais l’idée en tête depuis très longtemps. La toute première version date de 2014 et je la réservais pour Les Contes de Nina, mais finalement ça n’avait pas abouti et j’avais laissé mon scénario de côté. Quand, fin 2016, Endemol nous a demandé si on avait des projets pour FrenchBall, je l’ai ressorti des cartons et j’ai réécrit une version de 8 pages. J’ai rapidement proposé à Raphaël Descraques d’interpréter le rôle de Léo. Il a tout de suite accepté et m’a fait des retours très intéressants sur le scénario, et notamment sur la fin. J’avais fait exprès d’écrire une version courte pour que mon film soit faisable et réaliste en terme de production, mais Raph m’a encouragé à développer mon histoire. François Descraques et Slimane-Baptiste Berhoun m’ont également beaucoup conseillée au moment de l’écriture. C’est donc une version de 15 pages que j’ai proposée à Endemol fin 2016, et qui a été acceptée à ma plus grande joie. Quand France Télévisions est entré dans la boucle en 2017, ils m’ont aussi faits des retours sur le scénario. Au bout d’un an d’écriture, le scénario faisait 20 pages, avec une histoire bien développée, qui avait eu le temps de mûrir, et nous étions prêts à tourner !

C’est quelque chose qui m’intéresse. J’aimerais comprendre ton processus d’écriture sur le court métrage. Au départ tu l’as écrit pour toi sans prendre en compte toutes les contraintes budgétaires. Finalement, comment on écrit un court métrage de ce genre-là ? Le personnage principal est quand même un monstre en 3D ! 

C’est un peu compliqué de se remettre dans mon moi du passé [rires]. Quand je l’ai écrit pour Les Contes de Nina, je ne me suis posée aucune question. Le Monstre était bien présent.

Quand j’ai dû le réécrire pour FrenchBall, il fallait que ce soit réalisable car c’était pour notre chaîne YouTube. Je me suis tout de suite dit qu’il fallait que l’histoire rentre dans un format de 6-8 minutes. Pour moi, il ne fallait pas que je dépasse car sinon je pensais qu’on ne pourrait pas le faire.

Pour que mon film puisse être produit, j’avais limité la présence du Monstre. Dans la première version, le film commençait par un rencard entre Emmy et Léo. Elle lui annonçait qu’elle vivait avec un Monstre, Léo faisait semblant de la croire alors qu’il n’en pensait pas un mot, puis la raccompagnait chez elle. Durant la nuit, le Monstre apparaissait, Léo paniquait en le voyant et essayait de s’en débarrasser. Emmy comprenait alors que Léo ne l’avait pas prise au sérieux et lui avait mentit. Emmy blessée, laissait alors son Monstre dévorer Léo. L’histoire était assez simple et tout se passait en une soirée.

Le Petit Monstre sur le canapé
Le Petit Monstre a une réelle présence tout au long du film malgré les craintes initiales de sa réalisatrice. Crédits : Studio 4/Anaïs Vachez

J’ai eu les premiers retours de Raph qui me disait avoir aimé l’univers et les personnages, mais qui était frustré par la fin. Il voulait savoir comment auraient vécu ces 3 personnages si Léo ne s’était pas fait manger et quel aurait été leur quotidien.

Ses retours étaient intéressants, mais cette version là signifiait plus de plans du Monstre, plus de jours de tournage, plus de tout [rires]. Mais en même temps, il avait raison, c’était ça qu’on voulait voir, que je voulais voir. J’ai donc allongé ma version. Ça m’a fait extrêmement plaisir de l’écrire car je pouvais développer mes personnages. Ce que je n’avais pas pu faire depuis longtemps, car je m’étais également limitée dans l’écriture de mes derniers courts-métrages.

En 1 an j’ai écrit une dizaine de versions différentes, en fonction des retours de Raph, François, Slim, Endemol et Studio 4. Allant de 8 à 15 puis 20 pages.

J’ai fini par faire une synthèse de toutes les versions de l’histoire qui a finalement été validée par tout le monde.

L’écriture s’est faite par rapport aux contraintes et aux retours que j’ai eus. D’un côté, il fallait que ça ne coûte pas trop cher mais en même temps on me poussait à aller plus loin.

Ils t’ont apporté du soutien, c’est génial, ils ont cru au projet, ils t’ont laissé libre d’écrire avant d’aborder la réalité financière.

Oui moi qui pensais qu’il ne fallait pas que mon film soit trop compliqué pour que je puisse le faire… On est finalement passé de 8 à 21mn ! Encore aujourd’hui, je me demande comment on a pu le faire [rires]

Vous avez presque triplé !

Oui et en plus on a réussi à garder beaucoup de plans du Monstre. Je me disais qu’on devrait beaucoup tricher et le mettre souvent hors champ pour que ça ne coute pas trop cher. Mais au final, même si on a bien limité les plans, il est bien présent dans le film, et ça, c’est incroyable.

Tu me parlais des personnages qui accompagnent Le Petit Monstre, Léo et Emmy. Ce sont les acteurs Aurélia Poirier et Raphaël Descraques qui ont été choisis pour les rôles. Peux-tu nous expliquer pourquoi ? 

Lors de la toute première version que j’ai écrite pour Les Contes de Nina, je n’avais pas de comédien en tête. Quand je l’ai proposée à FrenchBall, j’ai tout de suite pensé à Raph. Il était parfait pour interpréter le personnage de Léo. Quand j’ai écrit les nouvelles versions, c’était cool pour moi car je pouvais l’imaginer dans le rôle. Ça m’a beaucoup aidé.

Pour Aurélia, j’avais travaillé avec elle sur la saison 1 de Reboot, réalisé par Davy Mourier. Je l’avais trouvé excellente dans son rôle de robot mais aussi sur les autres courts-métrages qu’elle avait faits. Je la croisais souvent à des projections. Du coup, la connexion s’est faite comme ça.

Physiquement, elle dégage quelque chose de particulier, qui correspondait totalement au rôle d’Emmy. Au moment du coup de foudre avec Léo, on pouvait comprendre assez facilement la fascination qu’il éprouve pour elle. Avec son air mystérieux, ses longs cheveux bruns et ses beaux yeux bleus. Son jeu collait parfaitement au personnage d’Emmy qui est à la fois renfermée sur elle-même, étrange et touchante.

Léo et Emmy au lit avec le Petit Monstre
Tout au long de l’histoire, Emmy (Aurélia Poirier) et Léo (Raphaël Descraques) vont tisser des liens uniques. Crédits : Studio 4/Anaïs Vachez

Tu peux nous parler un peu plus de la préparation du tournage ?

La préparation a été très longue. Quand j’ai eu la validation d’Endemol pour faire le court-métrage début 2017, j’ai tout de suite pensé à Mathieu (Atalow) et Tronatic Studio pour les Effets Spéciaux car j’avais déjà travaillé avec eux sur Rock Macabre ou encore Le Roi des Cons. Je savais qu’ils étaient très forts et efficaces pour l’animation 3D et les effets spéciaux.

J’ai donc appelé Atalow pour lui dire qu’on allait lancer ce projet mais que c’était compliqué car il y avait un monstre en 3D à faire. Je ne savais pas si ça allait l’intéresser, mais en fait, il m’a tout de suite dit oui. Il était même prêt à faire des tests pour qu’on puisse alimenter le dossier et aider le financement.

La phase de développement s’est faite sur 1 an avant le tournage, c’était primordial pour un film comme celui là. Atalow m’a fait des propositions de visuels du monstre en 3D. Au début, il n’avait pas de poils et était tout lisse. J’ai insisté pour qu’il ait des poils car c’était très important pour moi qu’il garde ce côté doux et mignon. Il fallait qu’on puisse s’attacher à lui mais qu’il soit aussi inquiétant. Sans poil, il était juste chelou [rires]. On aurait eu du mal à comprendre qu’Emmy soit si attachée à lui… alors qu’avec des poils, on retrouvait ce côté animal de compagnie. Les poils du Monstre, même s’ils étaient une contrainte technique, ont beaucoup aidé pour l’intégration. C’est ça qui fait que ça marche bien à l’image.

Après les tests de visuels du Monstre, on a fait des tests d’animation parce que je voulais vraiment voir si ça fonctionnait quand Emmy caressait le Monstre. En fait, j’avais très peur que ça ne marche pas mais il fallait absolument qu’Emmy touche le Monstre pour comprendre leur connexion, pour matérialiser leur relation intime, et pour briser la barrière de la 3D. Il fallait qu’on y croit, qu’on se dise que ce Monstre était vraiment dans la pièce et qu’Emmy pouvait le toucher.

Finalement, tous les tests se sont bien passés même s’il y avait quelques soucis techniques de poils au début. Ça a permis d’effacer certaines craintes pour le tournage.

Le Petit Monstre évolue. Il est d’abord petit, puis grossit de plus en plus pour devenir gigantesque avec des tentacules, une énorme gueule, des dents etc. Au moment du tournage j’avais seulement les croquis faits par Atalow du Monstre Gigantesque mais je n’avais pas vu le visuel en 3D. Ça, on l’a validé après le tournage. On connaissait la direction qu’allait prendre le Monstre mais on pouvait juste l’imaginer sur le tournage.

Le Grand Monstre
La performance des acteurs était complexe puisqu’ils ont dû jouer leur rôle en imaginant le Monstre Gigantesque. Crédits : Studio 4/Anaïs Vachez

Pour le Monstre Petit et Gigantesque, on a validé tous les détails sur des visuels 3D avant de faire les animations. Car une fois animé, c’était fini, on ne pouvait plus revenir en arrière et s’amuser à tout refaire. C’est pour ça qu’il faut être très précis et rigoureux à chaque étape de validation.

Les effets spéciaux ont pris une grosse part dans la préparation du tournage. C’était très important sinon on aurait vraiment pu se planter. Ça nous a permis d’éviter des mauvaises surprises et des erreurs sur le tournage, et surtout ça nous a permis de gagner du temps en post-production.

Est-ce que tu peux revenir sur le tournage ? Tu as des retours d’expériences à nous donner ?

Sur le tournage, nous avions deux peluches, une noire et une verte au gabarit du Petit Monstre. Ces peluches ont été réalisées par Marine Buridant, la chef décoratrice et accessoiriste du tournage.

Dès qu’il y avait un plan à faire avec le Monstre, on tournait un plan avec les comédiens et la peluche noire (pour avoir une référence sur les reflets de la lumière des poils) et/ou la peluche verte quand il y avait un contact, ensuite on faisait une passe à vide, sans la peluche, puis on prenait une photo avec une boule chromée (light probe) qui réfléchissait et nous disait où étaient les projecteurs. À chaque fois, les plans avec effets spéciaux étaient très rapides. Au départ je pensais que ça prendrait beaucoup plus de temps mais finalement, ça se faisait en quelques secondes. Ça m’a beaucoup rassurée et soulagée car on avait des journées très chargées. Heureusement les plans avec effets spéciaux ne nous ont jamais fait perdre de temps.

La phase de tournage de "Le Petit Monstre"
Deux peluches ont aidé la phase de tournage pour l’intégration des effets spéciaux. Crédits : Studio 4/Anaïs Vachez

Un des plans qui a été compliqué à faire était celui avec le tentacule qui passe sous les draps et la caméra qui la suit, mais pour le coup, il n’y a pas d’effets spéciaux visuels sur ce plan. Atalow avait créé un tube avec des gaines d’isolation en mousse qui glissait en direct sous le drap et qui prenait la forme d’une tentacule. Ça a l’air de rien, mais à caler, c’était compliqué car elle n’allait jamais dans le bon sens [rires]. C’est plutôt un plan comme ça qui prend du temps et non pas ceux avec les peluches.

 

Tu peux nous parler un peu plus de l’univers du court-métrage et comment vous avez pu faire pour avoir un tel environnement pour l’appartement ?

Je voulais vraiment une décoration charté Les Contes de Nina avec du papier peint, des meubles vintages, un esprit à la fois ancien et mignon. C’était compliqué parce que ça nécessitait de devoir mettre du papier peint partout mais j’y tenais absolument. Je l’avais déjà fait dans Little Doll pour une petite chambre de bonne qu’on m’avait prêtée, mais là, décorer un appartement entier, c’était un tout autre challenge.

Au début je me suis dit naïvement que ça allait être facile. On a mis des annonces sur les réseaux sociaux pour trouver soit un appartement de personne âgée qui aurait déjà eu une déco ancienne soit un appartement blanc qu’on aurait pu redécorer.

Finalement, on a trouvé ni l’un ni l’autre. La date du tournage approchait et nous n’avions toujours rien… Le destin a voulu que je déménage au même moment que mon tournage, je n’ai pas hésité bien longtemps avant de me dire que la seule solution était de tourner dans l’appartement que j’allais quitter. Il allait se retrouver vide et allait pouvoir devenir un vrai studio de tournage. C’était une vraie bénédiction. J’ai allongé mon bail d’un mois pour pouvoir le garder vide pour le tournage.

En une semaine, juste avant le tournage, l’équipe déco dirigée par Marine Buridant a re-décoré tout l’appartement, ils ont collé le papier peint dans toutes les pièces et peint les murs, les placards et les plinthes pour leur donner un effet bois… On a été aidé par des fans de  Frenchnerd  qui sont venus en renfort. Sans eux on ne s’en serait jamais sorti. On les remercie encore aujourd’hui !

En parallèle, il fallait trouver toute la décoration et les accessoires. On avait commencé bien en amont avec Marine à sélectionner plein de choses sur internet (papier peint, meubles, accessoires etc…), et on a trouvé beaucoup de choses chez Emmaüs, sur leboncoin et en brocante.

Il y a pas mal de meubles et accessoires de l’appart d’Emmy qui étaient à ma famille où a des amis. Et j’avais moi aussi des meubles, étagères, lampes et accessoires vintage, que je conservais depuis le tournage de Little Doll. C’était beaucoup de récupération au final.

On a réussi à créer l’univers visuel du film en s’accordant avec les chefs de postes de l’équipe Déco, Image et Costume : Marine Buridant (Chef Déco), Mathieu Andrieux (Chef Opérateur) et Léa Delmas (Costumière). On a validé tous ensemble les papiers peints et la peinture de chaque pièce pour qu’ils soient complémentaires avec les costumes. C’était un travail d’équipe, de coordination et de recherches.

 

Une fois que tu expliques tout ça, c’est beaucoup plus limpide pour comprendre l’univers autour du petit monstre et des deux personnages. J’aimerais revenir sur l’utilisation des effets spéciaux car elle est très importante dans Le Petit Monstre. J’aimerais avoir ton point de vue du côté de la réalisatrice. En filigrane, tu m’expliquais que c’était le cas mais as-tu eu des appréhensions particulières sur l’entière réalisation du projet par rapport aux effets spéciaux ?

Mes craintes techniques, on les a réglées avant le tournage, notamment pour le contact physique entre Emmy et le monstre, et le rendu des poils.

En post-production, quand je faisais le montage j’avais un peu de mal à me projeter quand je recevais les plans avec le Monstre car au début c’était seulement animatiques. C’est à dire des plans avec le Monstre en 3D mais sans les poils ni la texture.

L'animatique du premier plan de Le Petit Monstre
Animatique du 1er plan du Monstre. Crédits : Studio 4/Anaïs Vachez

À ce moment là ma crainte était : est-ce qu’on va croire à cette relation entre Emmy et son monstre ? Est-ce que le spectateur va comprendre pourquoi elle tient tant à lui ? Et pourquoi Léo en a peur ?

Atalow n’était pas inquiet lui, car dans sa tête, il savait comment ça allait rendre, mais moi, je me demandais si mon message allait bien passer.

Jusqu’à l’étalonnage, tu as dû être stressée par tous les plans ?

Oui, tant que je n’avais pas les plans terminés, je n’étais pas rassurée. Finalement maintenant que tout est fini, je respire enfin, car ça marche, on y croit !

Le film a été diffusé il y a moins de 2 semaines (25 septembre 2018, ndlr) et les retours sont très positifs, les gens comprennent les personnages et sont touchés par l’histoire. Pour moi c’est la plus belle récompense que je pouvais avoir.

Tu penses que ce court métrage va t’aider à appréhender de meilleures façons les effets spéciaux ?

Oui clairement. J’ai appris énormément sur ce projet. Je n’ai aucun regret car on a vraiment donné notre maximum par rapport aux contraintes qu’on avait.

En tout cas, si un jour je dois tourner un nouveau projet avec beaucoup d’effets spéciaux, je serai plus sereine. J’aurai plus de connaissances techniques et budgétaires, et une vision plus réaliste des temps de calculs et de rendus lors de la post-production.

J’ai maintenant plus confiance en moi sur mes capacités à réaliser un film avec des effets spéciaux. Mais je pense que si j’ai pu faire ce projet jusqu’au bout, c’est aussi parce que j’étais un peu naïve. Si j’avais été ultra réaliste, je me serais vite dit que ce projet était impossible. Je pense que dans tous projets un peu ambitieux, il faut une petite dose de naïveté, sinon on peut se dire trop vite que personne n’acceptera de le financer et d’y participer. Il faut garder en soi cette petite voix qui te dit “On va y arriver”.

Toujours, dans n’importe quel projet d’ailleurs.

Oui, il ne faut pas non plus être trop naïf, mais un petit peu [rires].

Plus globalement, et je ne parle pas forcément d’effets spéciaux, quel a été ton plus grand défi sur Le Petit Monstre ?

Je n’ai jamais eu de gros doutes sur la faisabilité technique des plans du Monstre car Atalow me l’aurait dit s’il y avait eu des plans qu’il ne pouvait pas réaliser. Je lui faisais entièrement confiance.

Le seul plan que je n’arrivais pas bien à comprendre techniquement, c’était celui où la tentacule étrangle Léo. Celui-ci, vraiment, je me disais “Ok, Atalow me dit que c’est possible, mais je ne vois pas du tout comment il va faire”. J’avais du mal à comprendre le procédé d’autant plus que ce plan a été compliqué à faire sur le tournage. C’est un plan assez long, la tentacule arrive, s’enroule autour du cou de Léo, lui-même attrape le tentacule puis la coupe.

Le Grand Monstre et Léo
La scène où Léo se fait attaquer par le grand monstre fut la plus complexe à appréhender pour Anaïs Vachez. Crédits : Studio 4/Anaïs Vachez

J’ai vraiment compris comment il avait fait en voyant le making of vfx. Au final, ça rend super bien mais ça me semblait quand même fou ! Il a recréé le corps de Raph en 3D pour faire ça. On a tourné le plan avec une fausse tentacule en plastique autour du cou de Raph puis on a enlevé la tentacule (sans que Raph ne bouge), et on a filmé pour qu’Atalow puisse avoir la ref de Raph sans rien autour du cou. Je sais que pour Tronatic Studio aussi ça a été un plan compliqué.

Après, en terme de plans compliqué, il y avait aussi le Monstre Gigantesque à faire. Je savais qu’ils allaient y arriver. Mais l’animation des tentacules n’a pas été simple. Je suis super contente que ça marche, et que ça rende bien et surtout que le Monstre Gigantesque soit si impressionnant et fasse peur. Ça et la tentacule qui étrangle Raph, c’étaient les plus gros challenges, et on a réussi !

As-tu une anecdote à nous dévoiler sur Le Petit Monstre ?

Juste avant de tourner la scène du baiser, il a fallu mettre de la glue noire sur Raph, c’était un grand moment. En fait, il s’agit de gel échographique avec du colorant. Au toucher, ça n’avait pas l’air froid, mais quand tout a été mis sur Raph, il grelottait le pauvre ! Il était gelé. Je culpabilisais énormément. Je lui disais que j’étais désolée tout le temps mais il me répondait que c’était bien pour son personnage, que ça l’aidait pour son jeu. On a essayé de faire au plus vite. On a bien rigolé, Raph peut-être un peu moins… Enfin si, mais au fond je ne sais pas [rires].

Du coup, on a terminé le tournage par cette scène, parce qu’après, il y avait de la glue dans tout le salon, et sur Raph, Aurélia et leurs costumes. On était obligés de tourner ce plan en dernier, et c’était une très bonne chose pour les comédiens, car c’était la scène la plus compliquée et la plus chargée en émotion du film. On n’avait le droit qu’à une seule prise, car après Aurélia était elle aussi recouverte de glue. Et heureusement la prise a été parfaite. C’était la plus belle façon de terminer le tournage.

A-t-on une chance de revoir Le Petit Monstre un jour ?

Alors ça, je ne sais pas [rires]. L’histoire est terminée sous cette forme de court-métrage. Donc peut-être sous une autre forme. Qui sait ?

Quel conseil donnerais-tu aux jeunes réalisateurs qui aimeraient se jeter dans un projet similaire au Petit Monstre ?

Je leur dirais que c’est chaud [rires], qu’ils vont en baver mais que s’ils veulent le faire, qu’ils le fassent. Il faut suivre ses rêves dans la vie même si c’est dur. Les effets spéciaux, c’est compliqué donc il faut être bien entouré. J’ai eu la chance de l’être à tous les niveaux, que ce soit sur les VFX ou les autres postes, la déco, l’image, le son, les costumes, la musique, le maquillage, la machinerie, l’étalonnage,  etc…

D’ailleurs, on n’en a pas parlé, mais le son a été extrêmement important sur ce film. C’est Clément Maurin qui a fait le Sound Design. Il a enregistré beaucoup de chats différents pour obtenir le son du Monstre. Et la plupart de ses grognements proviennent d’un chat qui faisait des bruits très particuliers. Il a passé beaucoup de temps à trouver tous les bruits qui pourraient marcher en fonction des émotions du Monstre. Ça n’a pas été facile. La référence que je lui avais donnée était celle de Gizmo dans Gremlins qui faisait des bruits mignons, quand il est petit en tout cas [rires].

Dans un film avec un Monstre en 3D, le Sound design est primordial.

Tu fais bien de le souligner, très souvent, c’est ce qui est laissé de côté sur des projets de court-métrage.

Et pourtant c’est indispensable ! Tu peux avoir fait le plus beau Monstre en 3D du monde, si jamais le Sound Desgin est mal fait, ça peut tout gâcher.

Quels sont tes prochains projets ?

C’est flou, mais ça fait partie du métier.

Actuellement je termine les mini documentaires sur ma BD Les Petites Cartes Secrètes (sur l’écriture, le dessin, l’édition & l’impression).  En parallèle j’assure la promo du Petit Monstre.

Mon court-métrage La Fille Accordéon est actuellement en Festivals, mais il sortira en Décembre sur ma chaine youtube. Il dure 4 minutes et c’est l’adaptation cinématographique d’un Contes de Nina que j’ai écrit il y quelques années.

Entre tout ça et Dark Stories qui arrive bientôt, j’espère  pouvoir me remettre à écrire en fin d’année.

Tu aimerais rajouter un mot pour l’interview ?

Oui j’aimerais ajouter un mot sur Jimmy Tillier, le compositeur, qui a fait un travail magnifique sur ce film. Il a réussi à sublimer l’histoire par sa musique. Si les gens sont si touchés par ce court-métrage, c’est en grande partie grâce aux morceaux de Jimmy, qui véhiculent tant d’émotions. La Bande-Originale du film est d’ailleurs disponible sur toutes les plateformes musicales, qui sont regroupées ici : https://IDOL.lnk.to/Le_Petit_Monstre

Encore une fois j’aimerais remercier toute mon équipe, mes producteurs sans qui le projet n’existerait pas, France Télévisions, EndemolShine Beyond, et Frenchnerd Productions, ainsi que mon équipe technique et à mes comédiens. Ils ont fait un boulot de dingue pour mettre en image et en son ce que j’avais dans la tête, et ce n’était pas gagné ! Donc merci à eux pour leur soutien et pour m’avoir permis de réaliser un rêve.

Merci à toi Anaïs

J’espère que l’interview vous a plu ! Elle est pleine d’enseignements et vous permet d’en apprendre plus sur le message qu’Anaïs Vachez a souhaité vous transmettre.

Bien évidemment, nous la remercions à notre tour pour toute la confiance qu’elle nous a portée afin de mener à bien son court-métrage ambitieux et lui souhaitons toute la réussite qu’elle mérite pour ses futurs projets. Il ne fait aucun doute que nos chemins seront encore amenés à se croiser !

On vous laisse avec la cerise sur le gâteau : les deux making-of du projet !

Retrouvez le Making-of proposé par Frantv Slash/Studio ici.

N’hésitez pas à nous dire dans les commentaires ce que vous avez pensé de l’interview !