Avez-vous remarqué à quel point YouTube a changé en 10 ans ? La plateforme est devenue incontournable dans notre quotidien. Que ce soit pour passer le temps, regarder des tutos ou écouter nos musiques préférées, elle est devenue un réflexe auquel on ne prête plus attention. C’est comme si notre cerveau avait été programmé pour ne plus résister à la tentation. Il faut dire que YouTube est incomparable à ses débuts. Les chances de s’y faire une place aussi.
Créer des vidéos sur internet est devenu un business immense. Racheté par Google en 2006, YouTube a littéralement laissé sur place toute la concurrence pour devenir le deuxième site le plus visité au monde juste derrière… Google.
Impressionnant, n’est-ce pas ?
Les ingénieurs les plus talentueux ont façonné la plateforme dans les moindres détails pour créer le phénomène social dont vous ne pouvez plus vous passer aujourd’hui.
Vous, moi, et plus d’1,9 milliard d’utilisateurs engloutissons frénétiquement des dizaines de vidéos chaque mois.
C’est même devenu une nouvelle économie mondiale ayant enfilé un jetpack turboboosté pour croitre de manière stratosphérique.
Pour rameuter tout ce petit monde, YouTube a incité d’innombrables créateurs de contenus à se lancer corps et âme dans la guerre des vues en monétisant le contenu qu’ils proposent sur la plateforme.
L’équation est simple. Plus vous atteignez un nombre élevé de vues, plus vous gagnez d’argent.
Il n’en fallait pas moins pour attirer dans ses filets plusieurs milliers de candidats et générer gratuitement du contenu pour la plateforme.
Tout s’est emballé quand les premières success stories ont émergé et ont rendu le rêve possible. La démesure était déjà en marche : un nombre de vidéos croissant, un rythme de parution effréné, un nombre de youtubers toujours plus important et bien sûr des spectateurs à perte de vue.
Je me baladais sur le blog personnel de YouTube pour préparer cet article et il ne m’a pas fallu longtemps pour trouver cette information qui en dit long sur l’envie suscitée pour partir à l’aventure (en fait, c’était même sur la première page).
« Le nombre de créateurs dont les revenus se comptent en centaines de milliers d’euros par an a augmenté de 45 %, et celui des créateurs générant un revenu annuel à cinq chiffres a progressé de 35 % ».
Les sommes donnent le vertige. Cela dit, aucune information précise n’est dévoilée sur leur nombre exact.
Mais ce n’est un secret pour personne, chaque YouTuber doit redoubler d’ingéniosité pour se démarquer et se construire une énorme communauté. Les concepts de vidéos sont poussés de plus en plus loin, les budgets investis deviennent équivalents à de vrais projets professionnels et le storytelling est millimétré pour vous retenir jusqu’à la fin et vous faire passer à l’action.
Ça n’a absolument rien à voir avec le YouTube que nous connaissions il y a seulement 5 ans.
D’ailleurs, je ne sais pas vous, mais j’adore regarder les toutes premières vidéos des gros YouTubers actuels et les comparer avec celles qu’ils produisent aujourd’hui.
Ils repoussent sans cesse le niveau de qualité auquel on s’attend.
Amusez-vous vraiment à le faire. Vous verrez à quel point ils ont progressé. Leur créativité et la passion qui les anime étaient la même qu’aujourd’hui. Seulement, la qualité technique des vidéos laissait franchement à désirer.
Mais qu’importe. A l’époque, ce n’était pas réellement important pour plaire sur YouTube.
C’est un peu moins vrai maintenant. Les créateurs qui lancent leurs premières vidéos doivent essayer de suivre la tendance pour survivre.
Pour 99% d’entre eux, c’est une lutte quotidienne. Ils n’ont pas les moyens de leurs ambitions. Le fossé qui les sépare des gros Youtubers devient gigantesque.
Les créateurs de contenus comme Cyprien, Norman ou Squeezie ne jouent plus avec les mêmes cartes que tous les autres. Rattachés à de grandes agences appelées MCN (Multi-Channel Network), ils sont entourés par des équipes de production professionnelles à chaque étape de création d’une vidéo.
Mais alors, quelle est la place des effets spéciaux sur YouTube ?
Plus le temps passe, plus les effets spéciaux se démocratisent dans les plus grosses vidéos sorties sur la plateforme. Ça en fait un excellent baromètre pour comprendre à quel point les moyens et la vision des Youtubers évoluent.
Ils ont perpétuellement besoin de surprendre leurs fans pour éviter de tomber dans l’oubli.
Il n’y a pas d’autres choix. Ils doivent renouveler leurs idées créatives produire sans cesse du contenu unique pour leurs fans.
Pour ça, les effets spéciaux sont idéals.
On a demandé à Guillaume Desjardins, réalisateur reconnu travaillant notamment pour nombreux d’entre eux, son avis sur la question.
« Il y a clairement, dès l’écriture, moins de restrictions pour partir dans des délires qui demanderont des effets numériques. On a la possibilité d’écrire d’autres histoires ! Cela dit, je ne réduirai pas cette évolution simplement à la hausse des budgets, mais aussi au niveau de réalisme et aux compétences qui ont augmenté et qui font que certains Youtubers s’autorisent à mettre des effets spéciaux en sachant que ça ne sera pas cheap. »
Et il n’a pas tort ! Il n’y a qu’à voir certaines productions pour se rendre compte de la place qu’ont pris les effets spéciaux sur YouTube aujourd’hui.
Et les plus petits créateurs dans tout ça ?
Je vous le disais tout à l’heure. La hausse de l’utilisation des effets spéciaux par les grosses chaînes est un parallèle intéressant avec l’évolution de YouTube et les prérequis demandés pour se démarquer.
Les effets spéciaux marquent les gens. Ils ne les laissent pas indifférents.
On est tellement habitué à voir des effets spéciaux incroyables dans les films hollywoodiens ! Si ça épate l’audience qu’on retrouve sur le web gratuit, c’est peut-être plus car on sait justement que le vidéaste n’a pas ces moyens hollywoodiens. – Guillaume Desjardins
Dans les prochaines années, nous allons sûrement nous habituer à leur utilisation mais aussi au niveau de qualité grandissant, réduisant par ce biais la chance des nouveaux créateurs de se faire une place s’ils ne possèdent pas de compétences particulières.
Le spectateur deviendra plus sélectif dans le choix de ce qu’il regarde. Son temps n’est pas illimité. Ne l’oublions pas.
Et il est bien là le problème. Utiliser des effets spéciaux est un excellent moyen de se démarquer du contenu « commun » de la plateforme. Selon les ambitions du créateur, cela peut demander un minimum d’investissement que la majorité ne peut se permettre.
Quand une personne se lance sur YouTube, ce n’est pas anodin. Elle n’a qu’un rêve en tête : proposer le meilleur contenu possible à sa communauté. Et ça veut dire aussi faire mieux que les autres. Sinon, elle n’existe pas.
Même avec les meilleures idées du monde, c’est difficile de se démarquer aujourd’hui, car d’autres les ont eues probablement avant eux.
Il existe des milliards de vidéos sur YouTube. Pourtant, il reste encore de la place à de nouveaux concepts. Cela dit, essayer de se positionner sur ceux déjà existants revient à vouloir escalader le mont Blanc alors que vous ne levez jamais le petit orteil. C’est possible, mais difficile.
C’est sans compter sur ceux qui essaient de produire un mélange de ce qu’ils aiment des autres créateurs sans être innovant (et ils sont nombreux).
Le piège des packs effets spéciaux préconstruits sur YouTube
Au fil du temps, le nombre de recherches pour « intégrer facilement des effets spéciaux » a commencé à grimper en flèche sur le web.
Des individus ont compris le filon de ce besoin et se sont lancés dans la création et la commercialisation de « packs d’effets spéciaux » préconstruits moyennant quelques dizaines d’euros.
Je vous laisse imaginer l’excitation des acheteurs avec leur tonne d’idées de vidéo. Sauf qu’en réalité, ils permettront de faire la blague une fois, rien de plus (et encore).
Le problème réside dans le fait qu’ils sont très vite limités dans l’approche créative. La plupart du temps, ils sont inadaptés à ce que le créateur souhaite réellement faire. Et c’est normal, un effet visuel ne se conçoit pas avant de comprendre sur quelle image on va les appliquer.
On pourrait se demander qui est le gagnant dans cette histoire…
Vers un monopole exclusif des grosses chaînes ?
Que se passerait-il si YouTube continuait son ascension telle qu’elle est aujourd’hui ? Le rêve de se construire une carrière à partir de rien sur la plateforme pourrait-il se voir écraser par la mainmise des gros créateurs de contenus avec plus de possibilités d’expression ?
D’innombrables petits youtubers ont d’ailleurs lancé un appel d’urgence sur ce sujet en remettant en cause le manque de mise en avant croissant de leurs vidéos. La plateforme serait-elle en train de les délaisser ?
Je ne suis pas en train de vous dire que ne pas utiliser d’effets spéciaux empêchera dans un avenir proche de réussir sur YouTube. Il y a des centaines de concepts qui n’en ont pas besoin pour divertir une audience.
Simplement, leur utilisation deviendra un standard commun. Et vous savez pourquoi ?
L’algorithme de YouTube.
Prenons par exemple le « watch time », qui définit la durée moyenne de visionnage d’une vidéo par les spectateurs. C’est aujourd’hui le critère principal permettant à la plateforme de définir si le contenu mérite d’être mis en avant ou non.
Lorsqu’un gros youtuber upload une nouvelle vidéo, elle a généralement plusieurs avantages indéniables :
- La qualité technique et visuelle est impeccable (ou en tout cas, bien au-dessus de la moyenne des vidéos de la plateforme).
- Elle est regardée entièrement, likée et partagée en masse par la communauté.
- Elle bénéficie plus facilement de la mise en avant sur la home par YouTube.
Les contenus sont devenus plus impactant, plus professionnels et plus engageants aussi. C’est ce qu’on en attend, en tant que spectateur.
L’intelligence artificielle de YouTube devient elle aussi meilleure chaque jour. Elle est pensée pour vous proposer les contenus les plus pertinents par rapport avec vos dernières découvertes.
C’est pour cette raison que vous ne voyez jamais apparaître des vidéos de Youtubeuses beauté dans vos recommandations si vous n’êtes pas un fervent utilisateur des crèmes de nuit ou de mascara.
Imaginons que vous ayez raté le concert du siècle. Vous deviez y aller avec vos amis. Vous avez même acheté votre place. Manque de chance, la nounou est malade ce soir-là et vous restez bloqué à la maison. Tous vos amis ont pu y aller, eux. À leurs retours, ils prennent un malin plaisir à vous rappeler à quel point il est génial. C’était LE concert à ne manquer pour rien au monde.
Vous êtes déçu mais vous savez au moins qu’il sera forcément disponible sur internet dans quelques jours.
Vous préféreriez le découvrir via l’enregistrement officiel ou avec la vidéo d’un fan déchaîné avec son smartphone et un cadrage douteux ?
Le plaisir de visionnage n’est pas le même et pourtant le contenu est identique…
Que doit-on attendre pour la suite ?
Plusieurs choses sont à envisager avec la démocratisation des effets spéciaux sur la plateforme.
Ils vont intégrer l’écosystème naturellement comme ils l’ont fait avec l’industrie du cinéma. Cela devrait intensifier le phénomène actuel d’augmentation des budgets investis à la création et du niveau de qualité toujours plus conséquent.
Ce genre de contenu demande un temps faramineux. D’ailleurs, n’avez-vous par remarqué une baisse de rythme de la part des plus gros youtubers ? Ce n’est pas un hasard.
C’est même une bonne chose. Elle permet d’améliorer la qualité du contenu proposé sur YouTube tout en laissant plus de places aux autres créateurs moins mis en lumière.
La plateforme a besoin que son contenu devienne de plus en plus spectaculaire. C’est aussi ce que nous voulons.
Elle l’indique elle-même : l’ambition est de développer la plateforme vidéo de demain.
En filigrane, ça veut dire que le YouTube que vous connaissez aujourd’hui est amené à disparaître. Mais l’audience suivra. Nous pouvons faire confiance à Google sur ce point.
Une dernière chose.
D’après vous, pourquoi sont-ils en train de lancer des « creator house » à travers le monde en mettant à disposition des fonds verts, des équipements professionnels ou encore un accompagnement personnalisé ?
Même si l’utilisation des effets spéciaux n’a été qu’un repère pour analyser l’évolution de la plateforme, il ne fait aucun doute qu’ils vont ouvrir de nouvelles perspectives à la création de contenu.
Qu’en pensez-vous ?