Qu’est-ce qu’une animatronique et à quoi sert-elle au cinéma ?
Vous souvenez-vous de tous les classiques du cinéma qui ont bercé votre jeunesse ? Alien, E.T ou encore King Kong… Comment nos réalisateurs pouvaient réussir de telles prouesses techniques afin de rendre leurs créatures plus vraies que nature ? Pour avoir la réponse, intéressons-nous à l’animatronique.
Suite à notre article « découverte » sur l’animation stop motion, il est impensable de faire l’impasse sur une autre facette du cinéma, et plus particulièrement des effets spéciaux : l’animatronique.
Composée des mots animation et électronique, une animatronique représente, cette fois-ci, une maquette de créature (ou d’humain) robotisée ou animée à distance à l’aide de câbles ou de radios commandes.
Les modèles les plus pointus sont de véritables bijoux technologiques. Composés de servomoteurs radiocommandés, ils permettent à un ordinateur d’enregistrer une gamme de mouvements précis à exécuter pouvant les rejouer à l’infini. C’est particulièrement vrai lorsque l’animatronique est difficile à manipuler dû à son poids ou sa taille mais aussi lorsque la chorégraphie à exécuter est laborieuse.
Dans de telles situations, cette méthode devient la norme, notamment pour les films gros budgets, car la technologie et le cinéma évoluent. Mais il n’en a pas toujours été ainsi.
Avant la fin des années 1990, impossible pour un cinéaste de s’appuyer sur la programmation informatique ou les radiocommandes. Pour satisfaire ses besoins de raconter une histoire fantastique avec des créatures crédibles, les premières animatroniques sont animées à l’aide de câbles et autres artifices mécaniques. Le dispositif est semblable à une marionnette, avec une machinerie beaucoup plus complexe.
L’animation mécanique de ces maquettes est encore utilisée aujourd’hui pour des mouvements simples. Mais ça ne les empêche pas d’être réalistes pour autant.
Tout comme leur apparence ! Les réalisateurs apportent un soin tout particulier à la surface de l’animatronique, souvent réalisée en latex ou en caoutchouc. En plus d’être souple, leur texture réagit de manière semblable à la peau d’un être organique. Pour l’aspect final de l’épiderme, les cinéastes utilisent principalement de la peinture ou différents accessoires cosmétiques pour reproduire des poils ou des écailles.
Tout comme l’animation stop motion, l’objectif final est de donner vie à la maquette, de la rendre vraisemblable aux yeux des spectateurs et lui permettre d’interagir avec son environnement.
Comment l’animatronique s’intègre au cinéma
Le numérique permet aux équipes en charge des effets spéciaux d’intégrer n’importe quelle créature sur une image en post-production. Par sa nature, elle n’existe pas physiquement.
L’animatronique, elle, est bien réelle. Elle est utilisée directement sur le tournage avec toutes les problématiques que cela implique dans sa création.
La première du genre est fabriquée par Léonard de Vinci en 1515. Seulement, c’est, en partie, le cinéma qui en sera le plus grand utilisateur dès le début du 20ème siècle. Au fil des années, les animatroniques suivent l’avancée de la technologie mais aussi les besoins toujours plus importants des réalisateurs.
L’animatronique se doit d’être plus grande, plus résistante, avoir une gamme de mouvements plus ample ou encore être waterproof…
Ces innovations permettent au cinéma d’aller plus loin dans la confection de ses films et d’imaginer des classiques à l’aide d’animatroniques. Les blockbusters s’appuyant sur eux se comptent par centaines.
On peut penser à des films comme E.T, Les Dents de la Mer, Alien, Godzilla ou encore Jurassic Park.
« E.T téléphone maison ». Tout le monde se souvient de ce petit extraterrestre qui a chamboulé toute l’industrie du cinéma. Des scènes mythiques, une histoire et des personnages attachants, mais aussi une animatronique plus vraie que nature dans son apparence et sa gestuelle.
Pour concevoir ses mécanismes, Carlo Rambaldi (également créateur de l’animatronique d’Alien et bien d’autres) a l’idée d’utiliser le principe des freins à vélo. Il place des dizaines de câbles et de leviers à l’intérieur de la maquette et arrive à lui offrir une maniabilité et un réalisme encore subjuguant aujourd’hui.
A sa sortie en 1982, le film devient le plus gros succès du cinéma jusqu’à… Jurassic Park, en 1993.
On vous en parle déjà dans notre article sur l’animation stop motion, mais avec cette œuvre, Steven Spielberg bouleverse le standard de qualité des créatures avec l’apparition de la 3D.
Pourtant, dans tous les volets de la saga, les plus gros dinosaures virtuels partagent l’écran aux côtés d’animatroniques. Le plus fascinant, c’est qu’il est quasiment impossible de les distinguer dans le feu de l’action (pourtant, il existe une petite astuce pour tenter de le faire. On vous en dit plus à la fin de l’article).
Le Spinosaure, star de Jurassic Park 3, est encore à ce jour l’animatronique la plus imposante jamais conçue. Elle mesure plus de 13 mètres de long et pèse plus de 12 tonnes. Des dizaines de personnes se sont attelées à mettre le dinosaure sur pattes durant de longs mois. La façon dont l’animatronique est conçue permet de diriger à distance chaque partie du corps à l’aide d’ordinateurs (et vous comprenez pourquoi…).
Elle est immense. Pour la petite anecdote, Steven Spielberg a dû demander la destruction de la porte du hangar dans lequel le spinosaure était entreposé car l’équipe n’avait pas prévu qu’il soit aussi imposant. Mais attention, sa grande taille n’en faisait pas moins une bête souple et rapide. La technologie embarquée par l’animatronique est encore aujourd’hui stupéfiante.
Les étapes majeures pour créer une animatronique
Selon la taille, les mouvements à réaliser et la complexité des mécanismes, créer un animatronique peut demander une période de travail intense à des dizaines de personnes. Les délais avant la livraison peuvent demander plusieurs mois voire même plus d’une année dans de rares cas.
Cependant, les deadlines et le budget habituels imposés par le cinéma ne permettent pas de telles largesses. À l’instar des effets spéciaux aujourd’hui, qui s’inscrivent dans la même logique, plus les animatroniques sont nombreuses et complexes à réaliser, plus la taille de l’équipe est faramineuse.
Chaque studio utilise un processus qui lui est propre calqué sur sa façon de travailler. De plus, chaque animatronique est unique et possède une conception propre à ses spécificités. Cela dit, comme pour le pipeline 3D, il existe un schéma global sur lequel s’appuyer.
La phase de character design
Pour construire une maison, il faut commencer par en dessiner les plans. Pour une animatronique, c’est la même chose. Durant cette étape préliminaire, on dégaine les crayons pour définir l’aspect global de la créature. On y caractérise sa hauteur, sa longueur, son poids, sa musculature ou encore sa posture. L’étape du story-board est tout aussi importante puisqu’elle va permettre de comprendre de quelle façon l’animatronique doit pouvoir entrer en mouvement. De cette manière, les techniciens pourront réfléchir sur les mécanismes à implanter dans l’animatronique.
Réalisation de maquettes miniatures
Une fois tous les détails posés sur papier, une première maquette miniature est souvent réalisée pour fixer tous les détails de l’apparence. Cela permet aux réalisateurs de s’assurer qu’il n’existe pas d’anomalies physiologiques de la projection du dessin en maquette. Une seconde maquette de taille intermédiaire peut être envisagée. Elle apporte une plus grande surface de travail et octroie la possibilité d’apporter des ajustements esthétiques concernant, par exemple, les striures de la peau, des écailles pour un reptilien ou encore certaines cicatrices.
Le sculpte à taille réelle
Selon l’animatronique à modeler, il existe plusieurs solutions. La première consiste tout simplement à se baser sur les références laissées par la/les miniature(s) et la réaliser à la main. Depuis l’arrivée du numérique, il est également possible d’envisager l’impression 3D ou toute autre technologie de sculpte développée par diverses compagnies (comme la [photogrammétrie](lien article photogrammétrie). C’est précisément de cette manière que Steven Spielberg a réalisé le Spinosaure de Jurassic Park. De par sa taille, son équipe a pris la liberté de scanner la maquette en taille intermédiaire pour y sauvegarder toutes les informations informatiquement et obtenir un modèle 3D exploitable. Chacune des parties de la créature a été imprimée séparément pour offrir un moule plus souple à manipuler et y intégrer toute la technologie nécessaire afin de le rendre vivant.
Construire toute la technologie
Cette étape démarre bien souvent parallèlement à la création du sculpte à taille réelle. Les techniciens se basent principalement sur la morphologie de la créature mais aussi sur le story-board pour concevoir les contrôles à implanter dans l’animatronique. Pour un gain de temps, mais aussi pour s’affranchir des limites budgétaires et techniques, seuls les mouvements nécessaires au film sont intégrés dans la maquette. En amont, le réalisateur doit donc veiller que le story-board et l’apparence de la créature concordent à ses attentes. Ce sont très souvent des machineries lourdes et complexes à produire donc l’erreur est inenvisageable. Les équipes en charge de l’animatronique doivent trouver la méthode la plus optimale pour réussir à créer un système mécanique et/ou hydraulique sophistiqué dans le temps et budget impartis (et il est difficile de trouver ça dans le magasin au coin de la rue).
L’assemblage
Une fois tous les composants de la recette réunis, il est temps de passer à l’assemblage complet de la créature. L’histoire est loin d’être terminée. Chaque composant technologique est vérifié minutieusement pour assurer une bonne intégration avec le moule et le reste du mécanisme. L’épreuve consiste à effacer l’intégralité des effets indésirables comme des plis disgracieux, une mécanique trop compressée dans le moule, ou des étirements de la « peau » de la créature qui risque de se déchirer…
Le contrôle d’une animatronique
Radiocommande, ordinateurs, marionnettistes… Les choix sont nombreux pour donner vie à une animatronique. Ils dépendent grandement des mécanismes utilisés et de la complexité des mouvements à lui faire réaliser.
Le besoin de crédibilité et de réalisme est très fort pour un réalisateur. Chaque partie de la maquette doit pouvoir donner l’impression d’être réelle. Le faciès, les yeux, le buste, le bassin, les pattes, la queue et même les mouvements de la cage thoracique induits par la respiration…
Un homme seul ne pourrait commander autant d’éléments à la fois. Lorsque l’animatronique est mécanique (voire radiocommandé), plusieurs marionnettistes sont requis pour chorégraphier l’ensemble des mouvements. Lui donner vie est une performance de coordination que l’on peut comparer à une composition de danse. Tout est millimétré.
Cependant, la technologie évolue. Aujourd’hui, la majorité des animatroniques sont des automates programmables à volonté assistés par ordinateur. Cela facilite grandement le processus d’intégration et permet de répéter bien plus facilement des déplacements complexes.
L’animatronique à l’ère de l’animation 3D
L’écart de réalisme peut être très mince entre une animatronique et un modèle 3D. Peu de personnes seraient capables d’en faire la distinction dans un film, même sur les plus récents.
Comme ses prédécesseurs, Jurassic World : Fallen Kingdom, sorti en 2018, est un excellent exemple. Les dinosaures qui se partagent l’écran sont réalisés, à la fois, en animatronique et en animation 3D, et ce, durant toute la durée du film.
Comment est-il possible de les distinguer ? Si vous pouvez apercevoir la créature faire de larges mouvements dans son intégralité à l’écran, vous pouvez être certain d’être face à un modèle 3D. Dans le cas contraire, il est possible que ce soit une animatronique. Mais attention, cette règle n’est pas une vérité absolue. Dans la majorité des films actuels, c’est plutôt la 3D qui se réserve l’exclusivité de l’écran.
Qu’est-ce qui impliquent ces choix ? Principalement le coût, comme toujours au cinéma. Mais pas seulement.
Malgré ses avantages, l’animatronique possède de nombreuses limites techniques. En s’appuyant sur ces maquettes, il est, par exemple, impossible de réaliser des mouvements extrêmes ou certaines micro-expressions vues de près. Comme le montre la vidéo sur Jurassic World présenté précédemment, l’animatronique puise ses forces dans l’interaction qu’elle offre avec les acteurs. Ils sont plus proches de la créature et peuvent même la toucher.
Quand une créature 3D est intégrée dans une image, les infographistes doivent également y simuler des ombres ou des reflets pour rendre l’ensemble crédible aux yeux du spectateur. Ce n’est pas quelque chose d’automatique et demande des milliards de simulations par ordinateur.
L’animatronique offre déjà toutes ces données puisqu’elle est présente « physiquement » dans l’environnement. Cela permet de gagner un temps considérable sur le tournage mais aussi et surtout en post-production.
Même si ses faiblesses se retrouvent dans les forces de l’animatronique, l’animation 3D s’avère être une solution bien plus souple et offrant un rendu final souvent supérieur.
Effectivement, l’interaction des personnages avec les créatures y est bien plus complexe à mettre en œuvre. Les acteurs n’ont pas d’autres choix que de jouer leur rôle en les imaginant ou en faisant face à une maquette grossière effacée en post-production.
Malgré tout, l’aspect physique de l’animatronique ne peut pas faire de miracle. L’animation 3D offre une palette de possibilités beaucoup plus variée et complète. Par exemple, il peut être envisageable de réaliser une scène où une créature se transformerait pour modifier son apparence concernant sa couleur ou encore sa forme.
Ce qui induit le choix de l’utilisation d’une animatronique ou de l’animation 3D se retrouve également dans le nombre de plans à produire. Généralement, le modèle 3D d’une créature est plus économique et rapide à réaliser. Seulement, si le personnage doit apparaître à de nombreuses reprises, l’animatronique s’avère être un choix judicieux puisqu’il offre un résultat concluant et permet à la post-production de faciliter son travail.
De la même manière, lorsqu’un réalisateur souhaite créer une explosion, elle n’est pas nécessairement numérique. Même si les effets spéciaux visuels (VFX) ont pour vocation d’être photo-réaliste, le préfixe « photo » est très important. Ce n’est pas une solution miracle. Parfois, il peut être plus simple et économique de déclencher une explosion réelle (sauf si vous faites sauter New York, bien entendu), pour obtenir un résultat concluant.
N’oubliez jamais qu’il n’y a rien de plus réel que le réel. C’est le même principe pour une animatronique.