Vous êtes-vous déjà demandé comment sont créés tous ces magnifiques décors que vous contemplez au cinéma ou confortablement installé devant votre télé ? Il y a de fortes chances pour que vous soyez devant ce qu’on appelle un Matte Painting ! Mais qu’est-ce que c’est exactement ? A la fin de votre lecture, il n’aura (presque) plus aucun secret pour vous.
Les réalisateurs de cinéma ont toujours eu l’ambition de repousser leurs limites pour porter les plus belles histoires à l’écran. Dès les premiers pas du 7ème art, et avant même d’en maîtriser réellement toutes ses subtilités, ils se demandaient déjà comment réussir à transmettre encore plus d’émotions dans leurs images.
Des inventions incroyables pour vous faire imaginer l’impossible, il y en a eu des tonnes.
Par exemple, on utilisait autrefois du papier toilette pour reproduire un énorme cyclone dévastateur en action ou encore des trappes cachées au sol pour donner l’illusion qu’un personnage s’évaporait en fumée.
Mais dans cet article, nous allons nous intéresser aux décors, qui sont à mille lieues d’être anodins pour apporter de l’importance à une histoire.
Le cinéma aime offrir un spectacle mémorable à son public. Mais très vite, il s’est heurté à une énigme : comment trouver l’endroit parfait sans dépenser une fortune ?
C’est comme ça que le matte painting est apparu pour créer ce leurre. Le terme d’effets spéciaux n’était même pas encore en vogue.
C’est une solution extraordinairement efficace pour intégrer de faux décors dans une scène en trompant le regard de la caméra, et par ricochet, le vôtre. Il permet d’imaginer n’importe quel environnement.
D’ailleurs, c’est une véritable offrande pour les films de science-fiction. Ils en ont fait leur plus grand ami pour créer des univers imaginaires mais tout aussi réalistes sans passer obligatoirement par la création de maquettes complexes.
C’est une technique presque aussi vieille que le cinéma lui-même, et pourtant, le matte painting est encore largement méconnu du grand public. Les professionnels de l’image l’exploitent encore énormément aujourd’hui.
Comment s’y prennent-ils pour réussir à vous emmener en voyage dans des contrées toujours plus belles et fantastiques alors qu’ils n’ont même pas bougé de leur studio la plupart du temps ?
Pour comprendre comment tout ça fonctionne, retournons quelques instants dans le passé.
Les premiers pas du Matte painting
C’est en 1907 que tout commence avec le film « Missions of California » de Norman O. Dawn. Pour offrir une seconde jeunesse à l’église qu’il choisit d’intégrer dans son histoire, il décide de placer devant sa caméra une énorme plaque de verre sur laquelle un artiste venait peindre les parties manquantes de l’édifice religieux avec des coups de pinceau millimétrés.
Le défi est de taille. La lumière, les ombres, la texture ou encore la couleur des matériaux devaient absolument correspondre avec le décor réel sous peine de faire comprendre le subterfuge à son public.
On ne parle pas encore véritablement de Matte Painting à ce moment-là mais de « Glass Painting » (ou Glass shot).
C’est une véritable source d’inspiration pour le cinéma que vient d’offrir Norman O. Dawn même si ce n’est pas réellement l’inventeur du phénomène. (On remerciera ici les frères lumières).
De nombreux réalisateurs décident de s’approprier le procédé et l’utilisent pour reproduire des sites historiques, étendre des décors naturels ou encore pour habiller le ciel de beaux nuages blancs et duveteux.
Bien que spectaculairement efficace, l’astuce accusait certaines limites.
Lors des séances en studios, il arrivait parfois que le réalisateur souhaite filmer la scène en contre-plongée (caméra pointée vers le haut). On déposait alors une plaque de verre pour y remplacer les structures métalliques et les projecteurs par de magnifiques plafonds et des lustres. Mais il fallait travailler rapidement puisque la location du studio coûtait extrêmement cher.
Les délais et les budgets ne suivaient pas. La moindre erreur pouvait être fatale et faire perdre un temps considérable à la production du film. Le retour en arrière était impossible.
Pour remédier à ce problème, la peinture sur glace se développe pour atteindre un nouveau degré de perfection.
C’est là que le Matte Painting (peinture sur cache) prend réellement forme, sans pour autant voir disparaitre les Glass Shot.
La différence est minime et pourtant, elle a permis d’améliorer instantanément la fluidité du processus. Exit les sessions interminables en plein tournage, on préférera dorénavant peindre un cache de couleur noire sur la plaque de verre pour effacer simplement la partie du décor disgracieuse que l’on ne souhaite plus voir à l’écran.
C’est en post-production que les images seront retouchées.
Lors du tournage, le réalisateur filmait normalement ses acteurs dans leur jeu de rôle. Mais il en profitait également pour tirer quelques bobines de décors vides.
Après plusieurs manipulations sur les négatifs, l’extension du décor était ajoutée à l’endroit où le cache noir était placé à l’aide des artistes et de leurs pinceaux.
Maîtriser parfaitement la composition d’image et les notions de perspective était incontournable. Chacune des peintures devait correspondre à l’axe de la caméra sous peine d’exposer le trucage aux yeux du public.
Qu’est-ce que le Matte Painting aujourd’hui
L’un des derniers Matte Painting majoritairement réalisés à la main se retrouve dans le film Titanic, sorti en 1997. Depuis, le numérique a repris le flambeau des peintures sur verre. Aujourd’hui, le Matte Painting se base principalement sur des photomontages grâce à des outils de retouches comme Photoshop.
La marge d’erreur est incomparable puisque les artistes peuvent maintenant revenir en arrière en cas de problèmes, réaliser des changements sur la lumière ou les couleurs de manière instantanée, et cela, sans perdre un nombre incalculable d’heures. Selon les situations, il est même possible d’y apporter numériquement des retouches peintures pour harmoniser le décor. A l’époque, tout ça était impensable.
Le format adopté se base encore et toujours sur une représentation 2D. Mais grâce aux logiciels 3D et à la notion de calques démocratisée avec des outils comme Photoshop, il est maintenant possible de proposer des environnements en 2.5D permettant de résoudre partiellement le plus grand ennemi du matte painting : le mouvement.
Jusque-là, pour réussir à intégrer l’extension de décor de façon réaliste, la caméra devait obligatoirement rester fixe. Chaque mouvement entrainait une nouvelle peinture pour correspondre parfaitement à la perspective de l’image filmée par la caméra.
Mais grâce à ce procédé, cette dernière peut dorénavant effectuer de légers mouvements simples comme avancer ou reculer.
Pour se donner plus de libertés dans les mouvements, il est possible aujourd’hui d’aller encore plus loin avec la création d’environnements 3D. Contrairement au Matte Painting, cette technique repose sur la modélisation complète d’un décor permettant de paramétrer n’importe quel élément de la scène, allant de la forme des objets, leurs matières, leurs ombres ou encore la lumière ambiante.
Mais si cette solution offre de tels avantages, vous devez certainement vous demander…
Pourquoi continuer à utiliser le Matte Painting ?
Il faut savoir que le Matte Painting est principalement utilisé pour recréer de grands et somptueux décors qui fourmillent de détails.
Que ce soit une forêt boisée ou une grande ville, ces paysages demanderaient un temps considérable pour être reproduits en 3D.
Imaginez le nombre d’arbres ou d’immeubles… Sans parler de la gestion des lumières qui refléteraient sur chaque feuille ou chaque vitre. Ça impliquerait un temps de calcul pouvant s’élever à plusieurs semaines.
Manipuler des photos pour faire un Matte painting permet bien souvent d’obtenir le même niveau de détails et de réalisme tout en excluant le temps à la création et au calcul des modèles 3D.
Économiquement, c’est également très différent puisqu’il serait nécessaire de recruter les talents de plusieurs personnes afin de modeler le décor, créer et appliquer les textures, régler l’ensemble des lumières, paramétrer les rendus etc.
A contrario, un seul Matte Painter suffit pour réaliser le photomontage.
Parfois, une autre solution existe et consiste à appliquer différentes photos qui font office de textures sur un modèle 3D « vierge ». La vidéo ci-dessous permet d’avoir un exemple concret de cette alternative appliquée à un paysage urbain (1mn50). C’est un excellent support pour comprendre toutes les possibilités offertes par le Matte Painting de manière générale.
Les subtilités du Matte Painting
Les mattes painters sont de véritables artistes. Certains de leurs travaux pourraient même devenir de véritables œuvres d’art.
Vous pourriez être tenté de croire que leur objectif premier est de vous en mettre plein les yeux. Ça l’est parfois. Mais la plupart du temps, on leur demande une certaine retenue artistique car les décors pourraient vite attirer le regard et créer une gêne à la lecture de l’action induite par les acteurs.
Un matte painting réussi est un matte painting qui ne se remarque pas à l’écran tout en paraissant crédible. Bien sûr, si le décor amène un univers fantastique, le spectateur ne sera pas dupe et comprendra qu’il est face à un trucage, mais l’image doit lui paraitre naturelle à l’œil.
En quoi le matte painting peut vous aider pour vos projets audiovisuels ?
Le matte painting délivre des décors somptueux au cinéma gros budget. Sans essayer d’atteindre ce niveau de perfection, il n’en reste pas moins qu’il reste un procédé de photomontage relativement simple à appliquer pour tous les budgets.
D’ailleurs, le cinéma d’auteur l’a compris et s’y plonge de plus en plus pour apporter une véritable dimension supplémentaire à ses univers.
Vous souhaitez faire un bon dans le futur ? Découvrir l’aspect d’une ville dans plusieurs décennies ? Le Matte Painting peut créer cette illusion parfaite !
Le film Blade Runner 2049, sorti en 2017, en est un excellent exemple. La ville que l’on découvre tout au long de l’histoire est bien évidemment recréée en 3D pour permettre cette liberté de mouvement à la caméra. Mais les réalisateurs ont aussi usé énormément le Matte Painting. Preuve en est dans ce Making-of VFX.
Récemment, nous avons travaillé sur les effets spéciaux du court-métrage « Bird », réalisé par Skywatcher Pictures.
L’histoire s’amuse sur une métaphore très actuelle. Elle compare la condition humaine et sa façon de vivre dans les milieux urbains face aux grandes étendues naturelles à travers la peau d’un oiseau privé de liberté.
Les images ont été tournées dans les alentours de Tours et pourtant, le réalisateur souhaitait un environnement montagneux et aérien. Difficile de mettre la main sur un tel décor. Pour éviter un voyage à toute l’équipe de tournage dans les Pyrénées, nous avons utilisé le Matte Painting.
Rendez-vous à 1mn30 pour découvrir l’intégration du Matte Painting à la vidéo.
C’est d’ailleurs un nouvel exemple qui vient casser cette idée que les effets spéciaux sont cher. Au contraire, ici, ils ont permis d’éviter un déplacement en pleine montagne qui aurait certainement rendu impossible le court-métrage.
Ce que vous devez retenir du Matte Painting
J’espère que cet article vous aura aidé à mieux comprendre l’importance du Matte Painting.
C’est une technique d’effets spéciaux presque aussi vieille que le cinéma qui a su mûrir avec son temps au fil des découvertes technologiques.
Aujourd’hui, la technique se base principalement sur du montage photo et permet de bonifier l’arrière-plan des scènes de cinéma avec réalisme. Elle est accessible à tous les projets et permet d’améliorer grandement la profondeur d’un univers pour un investissement relativement faible.
Si vous avez de nouvelles questions sur le sujet, n’hésitez pas à venir dans les commentaires ou à nous contacter directement.