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15/02/2018 Alexandre
4 commentaires

Le métier d’acteur va-t-il disparaître ?

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À l’image de notre société actuelle, le cinéma se dirige doucement mais sûrement vers la plus grande révolution de son histoire. Après notre questionnement sur la fin de l’existence du fond vert parvenant à grands pas, une nouvelle interrogation subsiste et elle est toute aussi sérieuse : le métier d’acteur est-il également en voie d’extinction ? Des éléments de réponse semblent l’indiquer, mais est-ce vraiment envisageable ? On en débat avec vous !

Le métier d'acteur est-il vous à disparaître ?

Le cinéma est un art évoluant dans les pas de la technologie. Depuis sa création, dans les années 1890, il est guidé par des avancées techniques majeures qui ont permis le passage du noir et blanc à la couleur, du muet au sonore ou encore de la 2D à la 3D. Avec l’amélioration exponentielle de la high-tech, difficile d’imaginer le cinéma ne pas suivre cette tendance.

Plusieurs signaux faibles annoncent de profonds changements. L’un d’entre eux repose sur le métier d’acteur.

Découvrir notre article : Serait-ce bientôt la fin du fond vert ?

L’acteur numérique, déjà une réalité.

Le digital occupe un espace de plus en plus important dans le processus de conception d’un film. Et pour cause, il offre une souplesse et un gain de temps qui lui permettent dorénavant d’être une évidence lorsqu’on parle d’effets spéciaux ou de création d’environnements artificiels. La majorité des réalisateurs se tournent vers lui grâce aux nombreuses solutions qu’il propose. Jusqu’ici, le comédien est très peu touché par le phénomène, mais les choses pourraient changer.

Si l’on vous parlait d’« acteur numérique » ? Vous penseriez probablement aux récentes prouesses techniques permettant de faire réapparaitre devant vos yeux ébahis le défunt Paul Walker dans Fast and Furious 7 ou encore Peter Cushing dans Star Wars : Rogue One plus de 20 ans après sa mort. Quelque part vous avez raison.

Même si son utilisation reste tout de même plutôt rare aujourd’hui, le premier d’entre eux est apparu sur nos écrans dès 1994 pour le film « The Crow » dans des circonstances effroyables. Alors qu’il tournait une scène avec des armes censées être chargées à blanc, Brandon Lee (fils de Bruce Lee) fut tragiquement tué par de vraies balles en plein acting. Malgré l’incident, la production responsable du projet a décidé de continuer le développement du film en intégrant le visage 3D de l’acteur sur une doublure.

Bien plus efficace de nos jours, la reproduction d’une copie numérique laisse sans voix tant elle est maitrisée. Pourtant elle reste encore sous-utilisée à cause de sa complexité à mettre en œuvre.

Il n’y a qu’à voir le travail d’MPC sur l’acteur Arnold Schwarzenegger dans le film Terminator Genisys, étonnant.

Néanmoins, nous aimerions aller un peu plus loin dans notre questionnement. Il semble probable d’imaginer qu’un jour, l’humanité puisse réussir l’exploit de produire des acteurs numériques et fictifs à partir de sa simple créativité. Est-il seulement envisageable que le cinéma puisse se durcir de la sorte ?

Très certainement, et cela pourrait arriver plus vite que nous le pensons.

La motion capture au cœur du processus

Actuellement, le procédé de création d’un acteur numérique se repose sur l’acteur lui-même. Équipé de plusieurs capteurs, le moindre de ses mouvements est enregistré et retranscrit virtuellement. C’est ce qui permet ensuite de reproduire, par exemple, les expressions d’un visage ou encore de donner vie à un personnage imaginaire.

Cette technique fut au cœur de nombreux films comme Avatar, La Planète des Singes ou le Seigneur des Anneaux (pour Gollum), où de véritables acteurs ont brillé pour donner vie aux différents personnages.

Andy Serkis

Andy Serkis dans la peau de Gollum

Elle a l’avantage de pouvoir se passer de certaines contraintes comme la disposition de la lumière ou de l’environnement. Celui-ci peut être « capturé » n’importe où puisqu’il sera remplacé numériquement. Malgré tout, l’équipement et le traitement des informations requièrent un savoir-faire complexe et surtout… du temps !

Reproduire un humain et ses réactions reste probablement le plus gros défi VFX de ces prochaines années. Ce n’est techniquement par envisageable d’éviter la motion capture lorsqu’on parle d’acteur numérique. Pourtant, arriverons-nous à restituer de tels résultats avec la seule aide de nos ordinateurs ? C’est une vraie question.

L’avancée en matière de Deep learning pourrait nous ouvrir la voie. En récoltant des millions de données références, nous serions capables de répertorier n’importe quel mouvement humain. Il serait par exemple possible d’analyser les émotions d’un vissage ou encore les mouvements et les positions du corps et ainsi en faire la reproduction sans difficulté. Il en serait de même pour les micros expressions du visage ou les gestes propres à un acteur particulier. Le recréer numériquement pourrait alors se rendre plus accessible.

Une fois cette étape franchie, la performance du comédien pourrait se voir dénuée de toute importance puisqu’il serait possible de la recréer à l’identique (voire en mieux) selon l’attente du réalisateur.

Le temps qu’une telle technologie se mette en place, l’utilisation de la motion capture pourrait évoluer et permettre aux productions d’intégrer plus aisément et rapidement des acteurs numériques. Il suffirait alors de recueillir la performance d’un acteur pour le réinterpréter à l’écran sans besoin de l’étape du tournage. Dans une telle configuration, le métier de comédien pourrait perdre son effet de starification avant de disparaître complètement.

Peut-on se passer de l’acteur star dans le cinéma ?

Véritable question quand on sait qu’un acteur est aujourd’hui considéré comme un puissant levier marketing lorsque celui-ci parvient à briller et devenir bankable. Si l’on s’arrête aux plus grands succès du Box-Office actuels, la présence d’acteurs à forte notoriété y est quasiment systématique. C’est bien normal quand leur seule prestation suffit souvent à assurer la réussite commerciale d’un film en poussant les spectateurs à se déplacer dans les salles de cinéma.

Est-ce pour autant un gage de qualité ? Pas nécessairement.

Will Smith

Will Smith, acteur vedette du premier long métrage gros budget sorti directement sur Netflix

Bien que l’acteur soit important, la réussite de licences comme Pirates des Caraïbes ou Iron Man survient surtout grâce à leurs personnages charismatiques et leurs scénarios. Dans cette optique, il pourrait être légitime de penser qu’un comédien fictif et numérique puisse intéresser les réalisateurs tout en offrant une attractivité semblable sur le long terme. De nombreux films ont réussi à préserver la qualité du divertissement proposé en modifiant l’attribution des rôles principaux. L’important étant finalement le traitement fait à l’acteur et non l’acteur lui-même.

Si celui-ci venait à se dématérialiser, cela permettrait également aux producteurs de bénéficier d’une plus grande souplesse dans la réalisation de leurs films.

Les avantages de l’acteur numérique

Impossible d’évoquer cinéma et technologie sans aborder la notion d’argent. Quels pourraient être les intérêts d’un producteur à préférer un double numérique ?

Le premier avantage serait d’éviter le coût pharaonique des acteurs. Lorsqu’ils acquièrent une certaine notoriété, ces derniers n’hésitent pas à demander un cachet qui s’avère conséquent. Quoi de plus normal nous diriez-vous quand on sait que le film sera visionné par des millions de gens. Seulement, le budget versé aux comédiens peut atteindre des sommets. En France, de nombreux cas ont été mis sur le devant de la scène afin de freiner certaines sommes jugées exorbitantes pour la rémunération offerte aux acteurs. Ces dernières représentaient pas moins de 50 % du montant total pour créer un film. Les États-Unis et d’autres pays connaissent également ce genre de polémique.

Face à une telle charge financière, l’acteur numérique pourrait être une solution attirante pour les réalisateurs. En plus de leur permettre d’éviter de fâcheuses surprises comme une blessure ou une mauvaise entente avec un acteur, ils pourraient bénéficier d’un allègement sur leur besoin de financement.

Robert Downey Jr

Doublure 3D de Robert Downey Jr dans Iron Man 3 indisponible une partie du tournage pour cause de blessure

Bien sûr, cela ne concernerait qu’une infime partie de la production cinématographique dans un premier temps. Une démocratisation de la technologie est nécessaire afin de combler toutes les potentielles demandes d’acteur numérique dans l’industrie.

Une chose est sûre, les temps changent, et certains acteurs sentent le vent tourner. Depuis quelques années, une nouvelle tendance se dessine aux États-Unis. Les acteurs entreprennent de créer leur double en 3D afin de pouvoir céder leur image plus facilement dans plusieurs films. Bien qu’il n’existe aucune règle juridique sur ces doublures, des spécialistes sont missionnés pour négocier les possibilités de leur utilisation. Et elles sont variées ! Le moment arrive où un acteur pourrait se voir apparaitre dans de nombreux projets sans avoir à performer devant la caméra. Mieux encore, la souplesse apportée aux productions leur offrirait une plus grande autonomie. Un comédien se blesse ou ne peut pas se rendre disponible pour une date de tournage ? Aucun problème, le double numérique pourra assurer la prestation.

Imaginez les opportunités ! Jouer sur sa forte notoriété afin de multiplier les projets rémunérateurs sans avoir à lever le petit doigt. Il y’a cependant un effet pervers probable ! Ne serait-ce pas le signe que les acteurs abandonnent leurs carrières au profit de leurs doubles numériques ?

Arrêtons d’évoquer le cas de stars du cinéma et penchons-nous sur ce qui pourrait arriver aux seconds rôles avec l’acteur numérique. Ces derniers sont souvent tenus par des comédiens dont on connait seulement le visage.

Le réalisateur pourrait vite se poser la question de l’usage du numérique pour les remplacer au profit d’acteurs fictifs. Même si celui-ci arborerait un tarif de création plus conséquent dans un premier temps, l’avantage est qu’il pourrait être réutilisable à l’infini. En s’appuyant sur une économie d’échelle, cela permettrait de baisser drastiquement les coûts de conception d’un film.

La même réflexion peut être adoptée concernant les plus petites productions qui ne peuvent se payer le luxe de grands acteurs. Trouver la perle rare correspondant à leur budget ne serait plus un stress quotidien. Cependant, on peut imaginer quelques décennies passer avant qu’ils puissent bénéficier de telles possibilités.

Cela offre tout de même une nouvelle interrogation. Si ces différents rôles sont le premier point d’entrée des acteurs numériques et fictifs, comment les prochains acteurs pourraient-ils encore subsister et réussir ? Finalement, la génération d’acteur qui arrive pourrait bien être la dernière.

Découvrir aussi : 11 préjugés sur les effets spéciaux que vous devez oublier

La notion d’éthique concernant l’acteur numérique

Une des principales raisons qui pousse le cinéma à utiliser des doublures 3D concerne les acteurs disparus.

Paul Walker, Peter Cushing, Oliver Reed et de nombreux autres… Tous ont vu leur remplaçant 3D reprendre le flambeau pour le 7è art. Certains publicitaires se sont même accordés la liberté de reproduire une certaine Marylin Monroe afin de l’utiliser dans une campagne promotionnelle télévisée (aux États-Unis, les personnes décédées perdent le droit sur leur image après 50 ans).

Paul Walker

Double numérique de Paul Walker dans le film Fast and Furious 7

Cela creuse le débat. Peut-on juger cette pratique comme saine ? Il est vrai qu’elle permet au cinéma de rendre hommage aux différents acteurs décédés, de les rendre éternels ou encore de surfer sur la nostalgie des fans, mais est-ce légitime et respectueux de les utiliser de cette façon ?

C’est une question sérieuse et très actuelle auxquelles sont confrontés différents acteurs aux Etats-Unis. Robin Williams, décédé en Août 2014, avait visiblement réfléchi longuement sur la question. En effet, son testament comprenait une clause stipulant clairement une interdiction sur l’exploitation de son image numérique pour les 25 prochaines années (soit jusqu’en 2039). Loin d’être un cas isolé, ce phénomène démontre une prise de conscience forte de la part des différents acteurs quant à l’utilisation de leur droit à l’image après leur mort.

L’intention de l’industrie est-elle bienveillante ou est-ce une énième stratégie permettant d’attirer un peu plus de spectateurs dans les salles à partir de mythes ? Chacun se fera sa propre opinion.

L’acteur numérique fictif pourrait être l’échappatoire idéale pour éviter ce phénomène grandissant.

Vers la fin du métier d’acteur ?

Quoi qu’il se passe, il serait très intéressant de découvrir comment l’industrie du cinéma accueillerait ces changements profonds dans les prochaines années.

Il ne fait aucun doute que la mise en place d’une telle prouesse technique ne bénéficierait qu’aux seuls studios hollywoodiens dans un premier temps. La route sera longue avant sa démocratisation.

L’acteur, qui était au cœur du 7e art, pourrait donc finalement se voir remplacer par son double numérique avant de disparaître complètement.

Quel est votre avis sur la question ? Venez avec nous dans les commentaires afin qu’on en discute ensemble ! 😉

4 Commmentaires
  1. Léo
    16 février 2018

    Personnellement je n’y crois pas. Mais alors pas du tout. Tout du moins pas à grande échelle.
    Je pense surtout que l’authenticité du jeu d’acteur risque de ne pas être atteinte avant de très longues années. On parle d’un métier qui travaille sur l’humain, le sensible, le contact avec l’autre… Le presque imperceptible qu’un réalisateur pourra capter, risque fort de ne pas passer au « tout numérique. »
    L’acteur de cinéma travaille aussi sur l’improvisation des dialogues pour répondre à la demande du réalisateur, le métier d’acteur est un travail de recherche et de création. Sans compter aussi le fait que l’acteur travaille sur un long temps d’observation et de composition (organique) qui risque de ne pas être touché par ordinateur.
    C’est comme ce fameux album composé par une IA, on peut admirer la performance technique, mais c’est sans goût et sans saveur.
    Et puis… Dans le pire des cas, cela se passera comme avec les vinyles, on finira par y revenir par goût de l’authentique.

    Pour terminer, je doute que les personnes de la profession laisse passer ça. L’art est bien une des seules choses qui n’est pas dictée par la loi du marché, et de la productivité à petite et moyenne échelle (n’en déplaise à certains). Pour un métier montrant l’humain dans toutes ces qualités et défauts, travailler sans lui me semble bien contradictoire.

    • Alexandre Hellin
      16 février 2018

      Merci pour votre retour !

      Effectivement, c’est une idée qui porte à débat. On est bien d’accord sur le fait que nous avons encore de longues années devant nous avant de voir apparaître une telle problématique. La question de fond portait surtout sur l’utilité de l’homme en tant qu’acteur et les risques liés à la technologie. Le Deep Learning étant en train de modifier fondamentalement notre monde. On espère que vous avez raison ! 😉

  2. Anna
    4 août 2019

    elles se comptent par milliers

  3. Sandra
    31 octobre 2019

    notre questionnement sur la fin de l’existence

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